Une large majorité de patrons se disent favorables aux entreprises à mission – Février 2018

Plus des deux tiers des chefs d’entreprise, selon un sondage, se montrent ouverts à la création de ce nouveau statut. Ils y voient un moyen de stimuler l’innovation de leurs équipes, d’améliorer leur marque employeur et leur image auprès des clients.

Publié sur : Les Echos

Faut-il créer un nouveau statut d’entreprise en France ? Le débat est ouvert depuis qu’Emmanuel Macron a fait part de sa volonté, en octobre dernier, d’élargir les finalités d’une entreprise pour reconnaître notamment davantage l’apport des salariés. Depuis, le sujet s’est nettement élargi à toutes les autres parties prenantes : clients, fournisseurs, territoires… Le gouvernement a même confié une mission sur la question au patron de Michelin, Jean-Dominique Senard, et à l’ancienne dirigeante de la CFDT, Nicole Notat, dont les conclusions sont attendues pour début mars et doivent nourrir le  projet de loi Pacte  de Bruno Le Maire.

Un patronat conservateur

Face à la profusion des propositions – réécriture du Code civil, création d’un nouveau statut d’entreprise, renforcement de la place des salariés dans les conseils d’administration – le patronat, à quelques exceptions près, s’est montré prudent, voire conservateur. Pourtant, un sondage* Viavoice-HEC, réalisé par la société Prophil, qui pousse à la création d’un statut d’entreprise à mission en France sur le modèle de ce qui existe déjà aux Etats-Unis, montre que les chefs d’entreprise sur le terrain sont beaucoup plus ouverts, notamment sur ce dernier point. Réalisé début février auprès de 623 patrons (hors entreprises cotées), cette enquête indique que 68 % d’entre eux souhaitent la mise en place d’un cadre juridique et fiscal dédié aux entreprises à mission. Et 15 % déclarent déjà remplir l’ensemble des critères qui définissent une entreprise à mission (voir ci-dessous).

LES CRITÈRES D’UNE ENTREPRISE À MISSION

La démarche doit être inscrite dans les statuts de l’entreprise et constitue un engagement dont le dirigeant doit rendre compte régulièrement. Il y a des évaluations à la clef, afin que le modèle économique de son entreprise, et ses choix d’investissements, soient compatibles avec sa mission. L’entreprise répartit équitablement ses bénéfices selon des règles connues de tous et jugées équitables et proportionnelles à la réussite de l’entreprise.

Les entreprises à mission – il en existe 2.000 environ aux Etats-Unis – intègrent dans leur objet social des contributions à l’intérêt général, en plus de la recherche du profit. Il peut s’agir de respect de l’environnement, de revitalisation d’une région, voire de la protection d’un savoir-faire que l’entreprise au moment d’une cession ou d’une transmission. Pour la filiale américaine de Danone, « Danone Wave », qui a le statut de « benefit corporation », il s’agit de faire évoluer les pratiques alimentaires au bénéfice de la santé des consommateurs et de la planète.

Pour les chefs d’entreprises interrogés par Prophil, c’est un moyen de stimuler l’innovation de leurs équipes (69 %), d’améliorer leur marque employeur (73 %) et leur image auprès des clients (83 %). Ce serait même une réponse efficace à la sauvegarde de l’emploi et des entreprises en France pour 61 % d’entre eux.

Retour de bâton

Le ministre de l’Economie,  Bruno Le Maire, s’est déclaré favorable à la création de ce statut si cela reste optionnel. Il pourrait être intégré au Code du commerce, ou au Code civil, comme le suggérait la proposition de loi Nouvelle Gauche examinée en janvier à l’Assemblée. Mais dans les milieux patronaux, certaines craignent un double retour de bâton pour les entreprises qui n’auraient pas choisi ce statut. Cela reviendrait pour elles à admettre qu’elles ne recherchent pas autre chose que le profit de leurs actionnaires. Ce qui n’est pas très flatteur en termes d’image. Surtout, cela justifierait que des fonds d’investissement court-termistes réclament à l’entreprise de s’en tenir à une lucrativité immédiate au détriment d’engagements de plus long terme.

*avec le soutien de Sycomore, KMPG, Maïf et le cabinet Gide