La « raison d’être », une chance pour l’entreprise – Mars 2018

LE CERCLE/POINT DE VUE – La mission Notat-Senard préconise aux entreprises, si elles le souhaitent, de définir leur « raison d’être ». Une démarche qui offrirait plusieurs bénéfices.

Publié sur : Les Echos

La mission Notat-Senard, dont  les conclusions ont été remises au gouvernement le 9 mars, préconise d’adapter l’entreprise aux attentes des parties prenantes, en étendant son rôle au-delà de la performance économique. Une proposition phare consiste à  ajouter la notion de « raison d’être » dans leur objet social, tel qu’il est rédigé dans les articles 1833 et 1835 du Code civil. Ce qui n’est encore qu’une option pourrait constituer une évolution majeure pour la vie des entreprises.

La « raison d’être » est le sens profond qu’une entreprise donne à son activité et la manière dont elle définit son utilité. Elle s’inscrit en réponse à des besoins fondamentaux et universels comme la protection, la santé, la liberté de mouvement ou même l’imagination. Exprimer sa raison d’être est un acte engageant, car elle oriente et éclaire les choix stratégiques tout en aidant à discerner les opportunités des risques. C’est un moteur pour l’action et une source d’inspiration pour les initiatives.

Vers un engouement croissant

La raison d’être est un pari sur la durée : elle crée une cohérence entre les origines de l’entreprise et sa vision de l’avenir. Elle ne change pas tous les quatre matins, et n’est pas réductible à une démarche RSE, un nouveau positionnement de marque ou au dernier plan stratégique. C’est une réponse à la question si essentielle du « pourquoi » l’entreprise fait ce qu’elle fait.

Ce n’est pas un concept nouveau. Aux Etats-Unis notamment, des entreprises telles que 3M, Disney ou Boeing continuent de faire vivre une raison d’être définie il y a longtemps. Mais il est appelé à connaître un engouement croissant car l’exigence de sens grandit dans l’opinion, notamment chez les jeunes diplômés. Rejoindre une entreprise engagée pour une raison d’être à laquelle ils s’identifient est désormais un critère prioritaire dans le choix d’un employeur et un levier d’engagement au quotidien. Cette tendance se retrouve aussi dans les comportements des consommateurs.

 

Définir et exprimer sa raison d’être offre trois bénéfices majeurs :

– Plus de motivation. Alors que les organisations sont confrontées à des transformations multiples, profondes et parfois source de désorientation, se raccrocher à une raison d’être rassure et rend l’incertitude plus acceptable.

– Plus d’innovation. Parce qu’elle fait écho à un besoin profond et en même temps large, elle ouvre les possibilités et stimule la créativité. On connaît l’objectif final mais on garde une marge de manoeuvre sur les moyens.

– Plus de valeur. Se définir clairement est un signe rassurant pour les investisseurs à qui cela donne de la lisibilité. C’est aussi une protection, en particulier contre les attaques de fonds activistes qui reposent sur la critique d’incohérence (de stratégie, d’activités, etc.).

Un critère de bonne gouvernance

Pour être réussie, la raison d’être doit être ouverte, partagée (compréhensible et actionnable à tous les niveaux de l’entreprise), et engageante (portée par un engagement profond et authentique du management).

Enfin, pour lui donner toute son utilité et sa dynamique, elle doit ensuite être vivante, animée et incarnée au plus haut niveau de l’entreprise. En effet, c’est grâce à la répétition des paroles et des actes dans la durée que la raison d’être produit un récit. Elle devient alors un critère de bonne gouvernance et d’investissement, comme l’a récemment écrit Larry Fink, PDG de Blackrock, en enjoignant aux dirigeants et conseils d’administration de préciser la raison d’être de leurs groupes et à la suivre comme ligne directrice.

Un grand mouvement a commencé. Il va progressivement concerner toutes les entreprises dont les dirigeants pourront méditer la phrase de Mark Twain : « Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et celui où vous avez compris pourquoi. »

Pierre Giacometti et Alain Péron sont cofondateurs de No Com