Oubliez le brainstorming, ça ne fonctionne pas

Think the unthinkable: brainstorming isn’t such a good idea
The Times, April 16 2014


Pour Akin Kazakci, « les entreprises utilisent depuis 60 ans des techniques de brainstorming insuffisantes pour résoudre des problèmes complexes ». Des propos que semblerait soutenir l’étude exploratoire, Brainstorming versus creative design reasoning, dont il est co-auteur avec Thomas Gillier, Gerald Piat et Armand Hatchuel. Celle-ci met à mal l’hypothèse de base du brainstorming : « Quantité implique Qualité ». Mais au contraire, ce n’est pas en générant beaucoup d’idées qu’on tombe sur la perle rare. 

En effet, l’analyse des groupes test semblent indiquer qu’une idée développée au cours du temps, avec cohérence et originalité, tout en tenant compte de la faisabilité, était bien plus créative que celles issues du brainstorming.

Une étude retentissante dont The Times et The Daily Mail se sont fait l’écho.
 

La théorie de la conception innovante

Dans cette étude, l’un des groupes test s’est détaché du lot : il a suivi une logique d’exploration sans se contenter de créer un flux d’idées. Tous les autres groupes ont échoué. Bien que le résultat reste à confirmer, les chercheurs se réjouissent de la conclusion. Ils développent en effet une alternative puissante au brainstorming qui fait ses preuves depuis deux décennies : la Théorie de la Conception Innovante

De manière globale, on peut dire que la théorie de la conception innovante fournit des méthodologies pour avancer dans la construction d’un projet créatif en combinant les idées intéressantes et en soulignant les apports nécessaires en termes de connaissances et d’expertises. Destinée initialement aux sciences de la production, elle s’avère être totalement trans-domaine et une alternative solide au concept un peu simpliste de « brainstorming for creativity ».

Trois paramètres clés : originalité, cohérence et faisabilité

Cette théorie propose de nombreux supports de raisonnement pour tous ceux qui veulent organiser une exploration créative. Cette approche tient compte du fait que les gens ont trop souvent négligé la gestion des connaissances dans le processus de création. 
D’ailleurs, la méthode de la conception innovante la plus communément appliquée est la théorie CK, qui a pour objectif de distinguer deux ensembles :  C pour concepts et K pour connaissances (knowledge en anglais). 
« Son objectif est de tisser des liens entre les connaissances mobilisées, les connaissances manquantes et les concepts nouveaux qui émergent au cours de la réflexion », explique le chercheur.  Il est en effet possible de cartographier les discussions et le processus d’innovation afin de trouver un consensus sur les idées échangées, d‘avoir une vision claire de l’ensemble des pistes et de prendre des décisions en tenant compte de trois paramètres clefs : l’originalité, la cohérence et la faisabilité.

Changer la culture du management de l’innovation

Constatant que les entreprises les plus performantes misent sur les processus de conception, l’école d’ingénieurs MINES ParisTech a créé, il y a déjà 20 ans, une spécialité « Ingénierie de la conception ». 
Un groupe de recherche et une chaire plus tard, naissait la théorie de l’acte de concevoir qui décrit les bonnes pratiques de management de la création. Akin Kazakci explique que « la transcendance de la notion de conception s’est alors imposée au-delà de la question de l’acte de concevoir. La chaire a d’ailleurs reçu le soutien d’industriels de tous secteurs (Airbus, Urgo, Renault…) qui appliquent au quotidien ces méthodes ».

Prochaine rupture : des aspects "créatifs" dans le traitement automatisé des données 

Akin Kazakci et ses collègues ont un œil tourné vers les grandes révolutions qui se profilent. Le chercheur envisage la possibilité de programmes informatiques qui ne soient plus uniquement des exécutants mais aussi des concepteurs. Le datamining, ou fouille des données, mènera probablement au développement d’algorithmes plus créatifs. « C’est là que se fera la prochaine rupture », prédit le chercheur du CGS, qui prend part à un grand nombre de projets industriels allant de la conception de kites pour les navires du futur d’Yves Parlier, au «road- maps» pour l'avion hypersonic ZHEST de EADS Innovation Works, en passant par la veille stratégique et l’analyse sémantique des données du web pour Renault.

Article rédigé en collaboration avec MyScienceWork.